Calepin

Réveil

Quand on commence à voir le bout du tunnel après un grave problème de santé, assez grave pour que beaucoup ne s’en sortent pas indemnes et qu’au milieu on n’ait eu aucune idée de ce que nous réservait notre nouvel avenir, pour ne pas dire le restant de notre vie, ni même si on allait s’en tirer au début quand l’infirmier assis sur son banc ne vous lâchait pas d’un œil dans l’ambulance qui filait sirène hurlante vers l’urgence où le personnel, qui vous attendait, s’est rué autour de votre civière, une autre fois aussi ou peut-être deux en voyant un patient plus loin dans le corridor partir emballé dans un sac, quand donc apparait cette espèce de clarté à l’horizon, une fois passées les émotions fortes, on se rend compte petit à petit, par une série de chocs tranquilles, les premiers dès les premières journées à l’étage avec la valse des infirmières autour de moi, qu’on ne voit plus rien et à peu près personne, à part ceux auxquels on est profondément attaché, avec les mêmes yeux. Une certaine indifférence voile bien des choses, et on a beau être soi-même la personne atteinte, transformée, voire diminuée, étrangement ce sont les autres qui n’ont plus les mêmes proportions, la même silhouette, la même allure, chacun et chacune se détachent maintenant avec plus de netteté les uns des autres, comme si à travers vous ils avaient acquis quelque chose de singulier, mais qu’en même temps ils ne pourront plus désormais afficher les mêmes prétentions, s’en étaient débarrassés grâce à vous et que, soulagés malgré eux, ils tiennent moins à ce qu’ils disent, leur personne a gagné en légèreté, leurs voix portent moins mais sont plus claires. Au fil des jours les paysages se rapprochent. La rivière, les boisés, les champs, les montagnes vues du siège du passager sur une route de campagne l’autre jour à l’occasion d’une première grande sortie, et les arbres surtout gardent leur beauté inviolée, bien qu’eux aussi aient perdu de leur poids, eux dont on a déjà dit qu’ils étaient là pour nous offrir une présence rassurante, eh bien maintenant les arbres ont l’air de flâner, jusqu’aux rues qui malgré leurs mêmes bruits constants semblent plus tranquilles et moins s’en faire. Une neige tombe doucement, moelleusement, mais elle n’a plus rien de prémonitoire, elle tombe c’est tout, comme si par quelque caprice elle aurait bien pu faire autre chose, puis elle se transforme en pluie, une pluie froide, raide, coupante, mais qu’importe ? Cette agréable sensation de froid n’est-elle pas en train de vous réveiller ?

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