Calepin personnel

Prêt

Cette vieille histoire qu’il m’a racontée de vive voix il y a une dizaine d’années me revient. Il arrive au Canada dans les années soixante-dix, presque sans argent, avec sa femme et leurs deux enfants. Ils venaient de Nouvelle-Zélande, où il avait vécu avec sa mère depuis l’âge de quatre ans. À cet âge-là, ils avaient quitté leur Lettonie natale, après que son père eut été tué à Moscou par la police de Staline, dit-il.

Il trouve un emploi dans la fonction publique. Il commence au bas de l’échelle, à un salaire dérisoire, le seul revenu de la famille, puisque la mauvaise santé de sa femme l’empêche de travailler. Ses paiements d’hypothèque lui causent de sérieux problèmes. Sa patronne se rend bien compte de la situation difficile dans laquelle il se trouve. Pour le dépanner, elle lui propose de lui prêter mille dollars. Bien sûr, orgueilleux, il refuse. « As you wish », dit-elle. « If you change your mind, just let me know. »

Après quelque temps, elle le relance, revient à la charge d’autres fois, lui rappelle son offre à l’occasion quand elle le croise. Elle semble sincère et lui propose cela d’une façon si simple qu’il se dit « Eh bien » et finit par accepter. Elle demande, néanmoins, au moment de lui faire le prêt que tous les deux signent un papier, non pas, précise-t-elle, parce qu’elle n’a pas confiance en lui, loin de là, mais qui sait, « tomorrow I may be hit by a car and die, who knows! ». Il a confiance et signe.

Au fil des mois il lui remet l’argent assez rapidement, et bientôt ne lui doit plus rien.

Quatre ans plus tard, elle meurt, frappée par une automobile.

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