Bijoux dans le recueil de nouvelles de Michael Delisle :
« Sur le projet de son groupe, [mon frère] ne s’est ouvert qu’une fois, pour m’avertir qu’advenant la “Révolution” il ne pourrait rien pour ma mère et moi, et que nous serions probablement fusillés. Aucunement navré, son ton était professoral. »
« Mon frère avait-il, quelque part dans le bois mort de ses dogmes, une braise d’intuition ? »
« Dans une conversation à bâtons rompus – nous étions dans la salle à manger rose et vert –, j’avais risqué l’épithète méta (“Je me suis senti méta toute la journée…”) qui, à mon grand soulagement, avait passé. »
« Puis je t’ai imaginé en train de photographier un bébé, de lui dire “Ne bouge plus !”, et j’ai passé l’après-midi à réprimer un accès de rire. »
« La rue est bloquée. Le tunnel neuf est en morceaux : des tronçons de béton pâle, assez hauts pour laisser passer un homme debout, attendent le long des excavations. Leur propreté est étrange. »
« comme le petit détail qui gâche le tableau, je poireaute là avec mon sac à dos dans les mains ».
À propos de Delisle, on a beaucoup vanté son roman Le feu de mon père. Son père était un phénomène, et le portrait que Delisle en fait est cru et ciselé, comme beaucoup de choses qu’il écrit. Mais on aurait dû parler beaucoup aussi et peut-être même davantage de Tiroir nº 24, quoique plus une nouvelle qu’un roman. « Tiroir numéro 24 » est le nom du personnage, un orphelin, et Delisle ne le lâche pas de la première à la dernière ligne, dans une série de situations singulières et toujours limpides sous sa plume. Pas de réflexions de second degré comme dans le Feu de mon père. Que le récit d’un bout à l’autre. Si un tel texte ne paraît pas en traduction dans les grandes revues de nouvelles à l’étranger, comme le New Yorker, c’est simplement parce que notre littérature est invisible.